{"id":395,"date":"2021-10-14T13:13:48","date_gmt":"2021-10-14T13:13:48","guid":{"rendered":"https:\/\/www.giorgiafiorio.com\/?p=395"},"modified":"2021-10-23T07:46:37","modified_gmt":"2021-10-23T07:46:37","slug":"les-figures-de-la-photographie","status":"publish","type":"post","link":"https:\/\/www.giorgiafiorio.com\/les-figures-de-la-photographie\/","title":{"rendered":"Les figures de la photographie"},"content":{"rendered":"\n

La boxe, la mine, l\u2019arm\u00e9e, la corrida, les incendies, la mer : tous ces termes d\u00e9signent le contexte des diff\u00e9rents th\u00e8mes documentaires trait\u00e9s par Giorgia Fiorio. Mais d\u00e9crivent-ils pour autant le vrai sujet des photographies ? Ne serait-il pas plus juste de parler de boxeurs, mineurs, soldats, toreros, pompiers, marins, et par cons\u00e9quent des hommes ? Groupes qui, en l\u2019occurrence, ont \u00e9t\u00e9 m\u00e9thodiquement explor\u00e9s par la photographe. Son travail ne met-il pas \u00e9galement en \u00e9vidence ce qui lie ces hommes aux divers \u00e9l\u00e9ments aupr\u00e8s desquels ils construisent leur existence ? Relation fusionnelle avec la terre, l\u2019eau et le feu, mais aussi l\u2019animal, ou encore, plus abstraitement, avec l\u2019id\u00e9e d\u2019un ennemi \u00e0 combattre. Il y a enfin cet esprit communautaire qui est perceptible dans les images et se traduit par des gestes et attitudes confraternels, complices. Et cette familiarit\u00e9, intimit\u00e9 parfois, que Giorgia Fiorio donne \u00e0 voir, passe d\u2019abord par l\u2019image du corps. Car celui-ci, avant toute consid\u00e9ration sur la condition ou la personnalit\u00e9 de ces hommes, forme la figure centrale, la pierre angulaire du projet photographique ; figure qu\u2019il ne fallait bien \u00e9videmment pas entendre ici dans son sens restrictif et limit\u00e9 au visage, d\u2019autant que les personnages qui composent cette grande galerie d\u2019images demeurent anonymes. Dans l\u2019instant de la photographie, le corps est d\u00e9tach\u00e9 de son contexte, ou au contraire \u00e9troitement imbriqu\u00e9 dans celui-ci ; il est d\u00e9nud\u00e9 ou habill\u00e9 de parures magnifiques. En bref, il donne le rythme de chacune des s\u00e9quences de ce projet. Il porte la figure du discours, il en est l\u2019instrument, tout comme le mot dans la phrase. <\/p>\n\n\n\n

Un discours qui est avant tout visuel, plastique. La photographie sublime les formes de ces diff\u00e9rents corps offerts \u00e0 la photographie ainsi que leur profil et leur volume ; elle saisit des instants significatifs de leur mouvement. Qualit\u00e9 servie par un sens tr\u00e8s s\u00fbr de la lumi\u00e8re, une ma\u00eetrise du noir et blanc, de ses valeurs et de ses nuances, une pr\u00e9cision dans le cadrage et la composition. Mais derri\u00e8re la magnificence de ces corps, on peut d\u00e9celer des indices qui renvoient \u00e0 des valeurs morales et des sentiments, c\u2019est-\u00e0-dire des fragments d\u2019humanit\u00e9 : le courage, l\u2019endurance, ou au contraire le doute, l\u2019inqui\u00e9tude, la solitude face \u00e0 l\u2019\u00e9preuve. Il est aussi question d\u2019amiti\u00e9, de bonheur partag\u00e9. Quelques photographies esquissent m\u00eame un r\u00e9cit. Il n\u2019en demeure pas moins que la plupart de celles-ci d\u00e9crivent ou \u00e9voquent la performance physique de ces individus. Les figures du corps dessinent la force, la puissance. Et le choix de chacune des corporations – \u00e0 noter que dans corporation, il y a le mot corps – repose sur une vision arch\u00e9typale de la force masculine. Qui d\u2019autre que le soldat, le pompier ou le boxeur incarne mieux cette force ? Tout converge dans un m\u00eame sens : la discipline aussi bien personnelle que collective et la hi\u00e9rarchie sont \u00e0 l\u2019\u0153uvre, elles font des hommes appartenant \u00e0 ces communaut\u00e9s les pi\u00e8ces d\u2019un syst\u00e8me qui ne saurait faillir. La photographie illustre ici une perfection ; elle ne porte trace d\u2019aucune faute, d\u2019aucun \u00e9cart de conduite. Nul grain de sable ne s\u2019introduit dans cette m\u00e9canique humaine. <\/p>\n\n\n\n

Dans le projet que Giorgia Fiorio engagera par la suite et qui a pour titre le Don, on retrouve le m\u00eame caract\u00e8re m\u00e9thodique de l\u2019investigation documentaire, la m\u00eame aventure au sein de communaut\u00e9s dispers\u00e9es \u00e0 travers le monde, le m\u00eame go\u00fbt pour le travail sur une longue dur\u00e9e : pr\u00e8s de dix ans pour mener \u00e0 bien chaque projet. On retrouve ce m\u00eame int\u00e9r\u00eat que la photographe porte aux univers clos et ob\u00e9issant \u00e0 des r\u00e8gles strictes. La figure du corps est \u00e9galement mise en avant. Mais ce qui cette fois diff\u00e8re, c\u2019est son motif – le terme est \u00e0 prendre ici dans ses multiples sens : le sujet de l\u2019image, ce qui est \u00e0 son origine, voire le principe de r\u00e9p\u00e9tition – ; diff\u00e8rent \u00e9galement le destin des personnages photographi\u00e9s et le contexte dans lequel ils \u00e9voluent. Le corps est travers\u00e9 par d\u2019autres \u00e9nergies, plus spirituelles que physiques. On pourrait m\u00eame envisager un jeu de contraires : dans le premier cas – celui des communaut\u00e9s masculines -, la force morale est au service de la puissance physique ; alors que dans le \u00ab territoire \u00bb investi ensuite par Giorgia Fiorio, la ma\u00eetrise du corps sert une d\u00e9marche spirituelle, d\u2019ordre religieux.<\/p>\n\n\n\n

Resterait \u00e0 \u00e9voquer ici la notion de figure d\u2019un point de vue rh\u00e9torique. Aux dires des s\u00e9miologues, toute photographie d\u2019auteur, comme tout texte litt\u00e9raire, s\u2019appuie sur une forme de rh\u00e9torique. Elle est en effet porteuse de symboles, de m\u00e9taphores renvoyant \u00e0 des r\u00e9alit\u00e9s qui peuvent s\u2019inscrire hors du champ de la prise de vue, hors de son cadre, ou \u00e0 des abstractions : elle convoque alors ce qui n\u2019est pas n\u00e9cessairement de l\u2019ordre du visible. Plus g\u00e9n\u00e9ralement, le sens d\u2019une \u0153uvre photographique se joue aussi derri\u00e8re ou entre les images, dans ce que l\u2019on peut lire entre les lignes, dans un intertexte. Qu\u2019en est-il alors de ce vaste corpus visuel constitu\u00e9 par Giorgia Fiorio ? Que souhaite-t-elle nous livrer au-del\u00e0 d\u2019un t\u00e9moignage documentaire sur ces communaut\u00e9s de boxeurs, mineurs, soldats, toreros, pompiers et autres marins ? De toute \u00e9vidence, il ne s\u2019agit pas non plus d\u2019un point de vue visant \u00e0 id\u00e9aliser la gente masculine. En regard des projets qui vont suivre, ce travail appara\u00eet davantage comme l\u2019une des \u00e9tapes d\u2019une longue recherche vers la compr\u00e9hension de l\u2019\u00eatre humain et dont la photographie est l\u2019instrument. <\/p>\n\n\n\n

Gabriel Bauret, Les figures de la photographie<\/em>, dans FIGUR\u00c6, par Giorgia Fiorio, Arles, Actes Sud, 2013 <\/p>\n","protected":false},"excerpt":{"rendered":"

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